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AFRIQUE : Au Cameroun aussi, le viol comme arme de guerre


Dans les provinces anglo phones en conflit, les groupes armés mais aussi certains militaires de l’armée utilisent les violences sexuelles pour faire régner la peur et détruire des communautés, dénonce la société civile. Ce sont plusieurs dizaines de cas de viols, tantôt perpétrés par des combattants séparatistes, tantôt par des soldats de l’armée camerounaise, qui ont été dé noncés par des organisations de la société civile. Ces dernières s’inquiètent du « silence des autorités » face à des agressions souvent commises en public pour terroriser les populations et soumettre des communautés locales toutes entières, prises en étau entre les belligérants. Dans un rapport accablant consacré à la situation dans les provinces du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, et publié le 4 juillet, Amnesty International a appelé les autorités camerounaises à mener des enquêtes approfondies sur les crimes et atrocités commis dans les régions anglo phones, y compris sur les viols. « Les séparatistes et les soldats utilisent le viol comme arme de guerre et contraignent les femmes et les filles à des relations imposées qui les exposent à des accusations d’espionnage », alertait déjà International Cri sis Group, le 23 février 2022. 

DE NOMBREUX CAS RECENSÉS 

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défenseurs des droits humains sont légion. Le 1er mars 2020, des hommes identifiés par des té moins comme des soldats font irruption à Ebam, une localité du département de Manyu, dans la région du Sud-Ouest. Ils pénètrent dans les maisons et violent au moins vingt femmes sous le regard des maris de celles-ci et des habitants du village, impuissants. L’ONG Human Rights Watch (HRW), qui a révélé ces faits au grand public, a expliqué avoir contacté l’état-major de l’armée camerounaise, qui a nié en bloc les accusations. « Bien que les forces de l’État aient reconnu le raid, elles ont rapidement rejeté les allégations de viol », a com menté HRW. Mais les témoi gnages recueillis sur place sont formels. « Les militaires les [ont] violées comme punition pour leur refus de collaborer avec eux dans l’éradication des séparatistes. » À Mbuluf, dans la région du Nord-Ouest, ce sont là encore des « troupes gouvernementales » derrière les viols d’une femme et d’une jeune fille – les faits dénoncés par HRW remontent à 2021. Le Bataillon d’intervention rapide (BIR) n’est pas épargné puisque certains de ses éléments sont accusés d’avoir violé et tué une femme à Kumbo, en juin 2021. Pris entre deux feux, les civils sont aussi victimes des violences commises par les groupes armés. Ces derniers sont ainsi accusés d’avoir exécuté trois femmes à Bamenda et à Muyuka en août 2020 – elles étaient accusées d’avoir entretenu des relations avec des militaires et d’être des « espionnes ». Dans une vidéo filmée par les combattants séparatistes à Muyuka, une femme est ainsi interrogée sur les liens qu’elle aurait entretenus avec des soldats. Malgré ses supplica tions, elle est égorgée. 

IMPUNITÉ 

Joint par Jeune Afrique, Capo Daniel, le chef d’une faction armée, affirme que les viols dont se sont rendus coupables les combattants séparatistes sont « minimes » comparés aux exactions qui seraient, selon lui, perpétrées par l’armée camerounaise. Il en veut pour preuve des agressions commises dans la région du Nord-Ouest les 1er et 12 juillet derniers. À l’en croire, ce sont des soldats qui sont responsables. « Si jamais nous devions être accusés [de viols], je prendrai les choses très au sérieux et mènerai des investigations », assure le responsable. L’état-major des armées, que Jeune Afrique a contacté, n’a pas souhaité communiquer ni sur ces accusations précises, ni sur le sujet des viols d’une manière générale. Malgré le nombre des témoignages, les autorités camerounaises peinent à stopper ces violences commises contre la population. Les défenseurs des droits humains pointent l’impunité dont bénéficient souvent les auteurs de ces crimes, déplorant que l’insuffisance des ressources juridiques et la stigmatisation des victimes contribuent à la perpétuation de ces crimes. De quoi accentuer encore plus le règne de la terreur que vise cette pratique, comme le soulignent les auteurs de L’œil du cyclone, entre le diable et la mer bleue profonde, les voix non en tendues de la guerre anglophone au Cameroun, un ouvrage collectif publié en mai par le Centre pour les droits de l’homme et la démocratie (CHRDA). « Outre le fait de semer la peur dans la population, les combattants [à la fois au sein de l’armée que dans les rangs des rebelles] se sont servis du viol pour stigmatiser les femmes, humilier leurs maris et ruiner les fondements mêmes des familles et des communautés. » 



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